vendredi 4 avril 2008

Dossier - Les touaregs du Niger: de l'uranium sous le sable (1/2)

Depuis février 2007, la région d’Agadez, au nord du Niger, est le théâtre d’une véritable guérilla de basse intensité, qui oppose l’état central nigérien à une rébellion touareg qui a repris les armes. Un conflit quasiment inconnu en France, mais qui implique pourtant directement le géant français de l’uranium Areva. Sous fond de crise énergétique et de changement climatique, les touaregs mènent un combat unique, où se mêlent éléments de post-colonialisme, histoire millénaire et guérilla dans le désert.



Source: Le Figaro


Aux origines du conflit

La présence des touaregs sur le sol Africain remonte à plus de 2000 ans. Descendant des berbères, les touaregs investiront le désert du Sahara, dont ils deviendront les maîtres incontestés à partir du XVème siècle. Les convois de caravanes à travers le Sahara prennent rapidement une place centrale dans le commerce africain, et les touaregs sont notamment connus pour le commerce d’esclaves, alors monnaie courante et pilier de l’économie africaine.

Peuple nomade par excellence, les touaregs sont divisés en classes strictement hiérarchisées, allant des nobles jusqu’aux esclaves. La société s’organise en petites confédérations, constituées en moyenne d’une douzaine de tribus et dirigées par un chef suprême (Amenokal) et une assemblée. De majorité musulmane, les touaregs partagent une langue commune, le Tamasheq.



La colonisation allait changer radicalement les choses. La France, qui regroupe ces colonies d’Afrique de l’Ouest sous le sigle d’Afrique Occidental Française (AOF), se heurte à de nombreuses poches de résistance touaregs. Décidés à reprendre les routes commerciales des touaregs, les troupes françaises combattent sans relâche et forcent les tribus à signer plusieurs accords, en 1905 au Mali et 1917 au Niger. Les confédérations touaregs seront pour la plupart démantelées.

Habituée, comme les autres puissances coloniales, à tracer les frontières africaines au couteau, la France divise le territoire touareg entre plusieurs états. Ces derniers se retrouvent éparpillés entre le Niger, le Mali, le Burkina, la Lybie et l’Algérie, de nouvelles nations dominées par des ethnies qui, bien souvent, étaient vendus comme esclaves par les touaregs. Au lendemain de la décolonisation, les touaregs semblent plus faible que jamais, tandis que les nouvelles frontières laissent présager de multiples conflits ethniques à venir.




Source: BBC

L’Histoire récente et le soulèvement de 1990

Après plusieurs décennies de cohabitation au sein de ces nouvelles frontières, marquées par quelques affrontements sporadiques avec les états africains, les touaregs du Niger et du Mali entrent en rébellion ouverte avec leurs gouvernements respectifs en 1990. Bien que basée sur une demande d’autonomie plus forte, la rébellion touareg est particulièrement complexe. Il est souvent expliqué que les autorités nigériennes et maliennes, dominées par des ethnies auparavant victimes des razzias esclavagistes touaregs, seraient habitées par un véritable « esprit de revanche ».

Ainsi, les minorités touaregs seront systématiquement écartées des postes de pouvoir, à quelques exceptions près. Sous-représentés politiquement, les touaregs craignent les ingérences des états africains sur leur territoire, ou les activités minières mettent en danger leurs modes de vie traditionnels, tout en se plaignant du « racisme » à leur égard. A ces problèmes s’ajoute celui de la désertification du Sahel, qui remet un peu plus en cause le caractère nomade des touaregs. La famine sévissant cette année là aurait ainsi joué un rôle central dans le soulèvement de 1990.

Après plusieurs années de conflits, des accords sont finalement conclus entre le Niger, le Mali et les touaregs fin 1995, sous l’égide de la France, ainsi que de l’Algérie et du Burkina, inquiet d’un débordement du conflit à l’intérieur de leurs frontières. Pour l’essentiel, les accords prévoient un intéressement sur la production de l’uranium, une participation économique accrue, des aides pour assurer le rattrapage économique des régions touaregs, tandis qu’en contrepartie, certaines de leurs troupes intègrent les armées régulières nigériennes et maliennes.

Manu Brutin


Retrouvez la suite de cet article, qui portera sur le soulèvement de 2007 et la situation actuelle, dès la semaine prochaine sur le blog.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Vraiment bien fait votre blog, Manu ! Une excellente idée. Ca donne envie de s'intéresser à ces conflits oubliés. Et cela nous rappelle que nous avons la chance de vivre dans un pays où il est toujours à notre portée, si on le souhaite, de se tenir informé de ce qui se passe vraiment dans notre monde.

Tancrède