Si vis bellum, para pacem? C'est un peu la tactique, vieille comme le monde, de l'armée de résistance du seigneur de Joseph Kony. Ayant compris qu'il échapperait difficilement à un jugement devant la cour de justice internationale, celui-ci reforme ces troupes et préparerait une nouvelle offensive.
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Les négociations de paix de Juba, entamées en 2006, semblaient prometteuses, et les négociateurs de l'Ouganda et du Sud-Soudan croyaient toucher au but. Alors que l'on attendait plus que la signature de Joseph Kony, celui-ci... ne s'est pas présenté à la cérémonie de signature le 10 Avril, prévue dans la ville frontière de Rwi-Kwangba.
Selon IWPR et l'UNICEF, une nouvelle vague d'enlèvements d'enfants a eu lieu en RDC, Centrafrique, et Sud-Soudan. La LRA, qu'on supposait en train de désarmer, aurait en fait un nouveau camp d'entraînement dans le nord-est du Congo à Garamba, après avoir été repérée en février et mars dans le sud de la centrafrique.
Cette carte de la région permet de comprendre la dimension régionale du conflit : les quatre pays concernés par la LRA sont tous frappés par une grande instabilité et n'ont souvent aucun contrôle sur leurs frontières. Le Sud du Soudan est gouverné par les anciens rebelles, qu'on a vu soutenir (argent et nourriture) la LRA tout en tentant de les convaincre de négocier une paix lors de pourparlers à Juba (Sud Soudan), la RDC est toujours traversée de guerres (Itruri, Kivu, etc), le pouvoir centrafricain ne tient qu'à un fil. La guerrilla traverse donc les frontières tracées au hasard dans la jungle par les puissances coloniales françaises, belges et anglaises!
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Alors que le cessez-le-feu conclu entre la LRA et l'armée ougandaise a expiré, Kony s'attend à une attaque des troupes ougandaises, et tente de donner une dimension régionale à sa guerrilla. En recrutant de force des hommes congolais, centrafricains et soudanais, il se donne les moyens de déstabiliser l'ensemble de la région : le régime de Khartoum a longtemps financé la LRA, pour faire payer à l'Ouganda son soutien aux rebelles du Sud-Soudan. Certains analystes affirment que ce soutien continue, avec l'idée de retourner la LRA contre le Sud-Soudan dans le cas où le conflit, apaisé depuis 2005, était ravivé par des véléités indépendantistes au Sud. Si on ajoute que selon Jospeh Ngere, gouverneur de la province de "Western Equatoria", Khartoum arme la LRA par l'intermédiaire des groupes de rebelles tchadiens qu'elle soutient contre Idriss Deby, on commence à bien appréhender la menace que constitue la LRA pour la région.
De fait, plus personne ne croit aux promesses de paix de Joseph Kony. Les organisations de défense des droits de l'homme réprochent même au gouvernement ougandais de Museveni de tenter d'arracher un accord contre la promesse d'une protection vis à vis de la cour de justice internationale. Côté LRA, les purges s'intensifient, et le bras droit de Kony, Vincent Otti, aurait été exécuté pour "déloyauté", tout comme son remplaçant annoncé, Okot Odhiambo... information démentie pour ce dernier, qu'on aurait aperçu aux côtés de Kony.
Perspectives bien sombres pour les civils du Sud-Soudan, du Nord-Ouganda, du Nord-est du Congo et du Sud-Est de la Centrafrique, exposés à une guérilla sans but ni objet précis, qui tente de légitimiser son combat en parlant maintenant de "démocratie et de droits de l'homme".
Le problème des conflits oubliés qui deviennent à la mode, c'est que la situation évolue très vite. Avec une vision très personnelle du respect d'un cessez le feu entériné par la communauté internationale, la Géorgie envoie ses drones israéliens (avions de reconnaissance sans pilote) survoler le territoire abkhazes. Un d'entre eux a été abattu le 18 mars, un second dimanche 20 Avril.
Le problème c'est que si l'armée Géorgienne est formée, armée et conseillée par l'OTAN (USA et France en tête), l'armée Abkhaze l'est par la Russie. La base militaire "secrète" de Gudauta dans le nord-ouest de l'Abkhazie semble accueillir un arsenal militaire russie conséquent, et donne des insomnies aux dirigeants Géorgiens. Le drone géorgien a été abattu par un avion ennemi. Russe? Abkhaze? La Géorgie accuse la Russie, la Russie dément du bout des lèvres en disant qu'il serait absurde de descendre un drone à coup de missile, tandis que l'Abkhazie revendique le "carton".
Les images en tous cas sont impressionnantes : voici les derniers instants du petit Hermes 450, en vue subjective... Notons que le Hermes 450 peut embarquer des canons, et peut donc être considéré, comme le clame Vladimir Poutine, comme un "avion de combat"
Selon Jean-Dominique Merchet, expert ès défense à Libération, l'agresseur est un Mig 29, et non d'un L-39 Albatros, comme revendiqué par l'armée Abhaze. Il s'agirait donc bien d'un avion Russe, puisque ni les Abkhazes ni les Géorgiens ne possèdent de Migs... Les radars Géorgiens auraient repéré l'avion alors qu'il décollait justement de la base de Gudauta.
Vladminir Poutine s'étonne poliment du survol du territoire Abkhaze par un avion Géorgien, Sakachvilli est trop heureux de pouvoir hurler à l'acte de guerre, à quelques semaines d'élections législatives qui n'apparaissent pas gagnées d'avance.
Alors que les rumeurs d'une reconnaissance prochaine par Moscou de l'indépendance de l'Abkhazie vont croissantes, la Géorgie, en désespoir de cause, continue de chatouiller les moustaches de l'Ours.
C'est une histoire comme on en trouve qu'en Afrique, qui mêle une opposition politique en exil et aux pratiques douteuses, une ancienne puissance coloniale qui ne sait pas se positionner, et des "intermédiaires" blancs aux pratiques étranges.
On en parlait il y a quelques semaines dans un article de fond, la petite Guinée Equatoriale est dirigée par un dictateur sans merci, Obiang, qui profite comme il peut des réserves pétrolières de son pays.
Voilà que le 15 avril, les autorités espagnoles annoncent l'arrestation de l'un des principaux leaders de l'opposition, Severo Moto, qui réside à Madrid où il bénéficie de l'asile politique depuis 1986. Moto, condamné par contumace à 62 ans de prison pour une tentative de coup d'état avorté en 2004, aurait cherché à faire passer des armes en Guinée Equatoriale. le dossier implique aussi un intermédiaire blanc, qui aurait affrété un hélicoptère lors du coup d'état de 2004. Fait surprenant, il s'agit d'un certain Mark Thatcher, qui n'est autre que...le fils de Margaret, la fameuse "dame de fer" qui dirigea le Royaume Uni de 1979 à 1990. It's a small world...
Mark Thatcher avait par le passé reconnu avoir affrété l'hélicoptère, mais affirme cependant qu'il ignorait que celui-ci serait utilisé lors du coup d'état, jurant à qui veut bien l'entendre qu'il devait être utilisé pour des raisons commerciales. Il avait écopé d'une peine de prison avec sursis. Autre intermédiaire: Simon Mann, mercenaire britannique et ancien des SAS, accusé par Obiang d'avoir fermenté un coup d'état. Mann, qui jure qu'il allait juste travailler comme "agent de sécurité" dans une mine, gît actuellement dans une prison guinéenne, en dehors de tout cadre légal.
L'Espagne, elle, ne sait trop sur quel pied danser. Le statut de réfugié politique de Moto avait été révoqué en 2005 (on l'accusait alors d'utiliser l'Espagne comme "base" d'un futur coup), avant d'être rétabli par la Cour Suprême.
Son arrestation devrait porter un nouveau coup dur à l'opposition à l'approche des élections. Une opposition qui montre que, dans le monde des conflits oubliés, tout n'est jamais noir ou blanc. Les terres grises portent décidément bien leur nom...
La nouvelle rébellion : l’uranium en toile de fond
Les accords de paix n’allaient tenir qu’une douzaine d’année. En février 2007, un groupe jusqu’alors inconnu, le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ), mène plusieurs attaques d’envergures contre les forces armées. La reprise des affrontements surprend autant les observateurs internationaux que les autorités de Niamey, tant le MNJ – qui dispose d’un site web bien fourni et bien entendu partial – semble émerger de nulle part. A la tête du groupe, un certain Aghali Alambo, un ancien berger devenu homme d’affaire via une reconversion de le tourisme, qui notamment demande un « réel partage des richesses générées par l’exploitation de l’uranium et du pétrole (…) pour que cet argent serve en priorité à des projets de développement dans la région ».
Bien que crée par les touaregs, le MNJ brandit ainsi des revendications plus générales sur le Niger. Dans un pays où les scandales de corruption sont nombreux, le MNJ demande, en plus d’une plus grande autonomie régionale et de la reconnaissance des droits des touaregs, une véritable opération « main propres » au Niger. Surtout, le MNJ s’attache à certaines revendications précises – par exemple, la redistribution de 50% des retombées financières liées au commerce d’uranium aux populations locales (voir entre autres cet entretien avec le porte-parole du MNJ).
Car depuis les accords de 1997, l’exploitation de l’uranium au Niger a continué de manière exponentielle. L’augmentation des prix du barils du pétrole fait de l’exploitation de l’uranium un commerce encore plus prometteur, mais aussi plus coûteux. Un mois avant la nouvelle insurrection, l’état nigérien ne s’est pas privé de renouveler les contrats à prix d’or. La hausse de l’exploitation est souvent catastrophique pour les populations locales. Un groupe d’ONG révèle ainsi que les taux d’exposition à l’uranium des employés, presque exclusivement touaregs, dans les mines d’areva sont 40 fois supérieurs au maximum autorisé par l’OMS ; il n’y a quasiment pas de surveillance médicale des équipes ; l’exploitation contaminerait aussi l’eau utilisée dans les villages touaregs…
C’est en tout cas les exploitations d’uranium qui sont prises pour cibles par le MNJ, en plus des positions de l’armée nigérienne. Le 21 avril, un site d’extraction détenu par Areva est attaqué par le MNJ. En juillet 2007, c’est un cadre chinois d’une entreprise de prospection qui est enlevé, puis relâché par les rebelles. D’autres entreprises étrangères sont attaquées : plusieurs véhicules de la société française Satam (infrastructures routières) sont volés, tandis que parallèlement, de nombreux affrontements entre armée régulière et MNJ se déroulent régulièrement depuis l’année dernière.
Areva au cœur du conflit
En juillet 2007, coup de théâtre : le directeur d’Areva au Niger, Dominique Pin, est expulsé par les autorités nigériennes, une décision qui ne manque pas de surprendre jusqu’au Quai d’Orsay. A demi-mot, les autorités de Niamey accusent certes depuis quelques mois des « puissances étrangères » d’être intervenues dans le conflit touareg. Mais l’expulsion de Pin illustre les doutes grandissants de Niamey : et si Areva était en contact avec la rébellion touareg ? Un mois auparavant, l’ancien colonel français Gilles de Namur, chargé de la sécurité du groupe, avait lui-même été expulsé, soupçonné d’avoir rencontré des leaders du MNJ…
Face à ces accusations, Areva, dont les exploitations au Niger représentent 40% de ses ressources en Uranium, se défend de toute intrusion dans le conflit, et juge ces suppositions « sans fondement ». Les déclarations officielles du MNJ semble lui donner raison : en juin 2007, le groupe s’est fendu d’un communiqué critiquant la politique d’Areva au Niger. Bien qu’il soit difficile, sinon impossible, de savoir qui dit vrai dans cette affaire, la situation appelle à de nouvelles questions. Areva serait-elle entrée en contact avec le MNJ pour assurer sa « sécurité », en l’échange de compensations financières ? Y a-t-il derrière cette affaire une idée d’alliance plus large avec les touaregs ? Les autorités nigériennes cherchent-elles, à travers des accusations fantaisistes, à mettre Aréva sous pression pour faire grimper le prix des « concessions » d’uranium sur son territoire ?
De l’Uranium aux violations de droits de l’homme
En parallèle, le conflit continue, et les troupes de Niamey, plutôt expéditives, n’hésitent pas à attaquer la population civile. Refusant toute négotiation avec la rébellion, le gouvernement nigérien entend au contraire réprimer le MNJ par la force, à l’inverse du Mali qui, de son coté, vient de signer un accord de cessez-le-feu.
Selon Amnesty International, les violations de droits humains concerneraient autant le MNJ que les troupes nigériennes. Ainsi, l’organisation condamne en janvier 2008 une prise d’otage orchestrée par le MNJ, ainsi que la pose de mines anti-personnel par l’organisation rebelle. Parallèlement, les forces nigériennes commettent de nombreux viols et attaques de villages et civils touaregs.
Fin mars 2008, l’armée nigérienne lance une nouvelle offensive d’envergure contre les positions touaregs. Quelques jours auparavant, Niamey avait décidé de suspendre pendant trois mois la diffusion de RFI, accusée de « discrédit jeté sur les institutions », tandis que plusieurs journalistes ayant pénétré dans le pays touareg, désormais "zone interdite", sont en séjour dans les prisons du pays. Complètement oublié par les autorités françaises, qui se situent pourtant au cœur du conflit, les touaregs connaissent une situation humanitaire de plus en plus dramatique. Preuve, s’il en fallait, que les populations civiles d’Afrique payent souvent très cher les besoins énergétiques des pays du nord...
A la tête de "l'Armée de résistance du Seigneur", Joseph Kony n'a pourtant rien d'un évangéliste. Il rentre dans la catégorie des Guérilleros/prophètes/guérisseurs/criminels de guerre, faisant passer Abdullah Öcalan, réincarnation autop-proclamée de Socrate, Mahomet et Jésus, pour un aimable mythomane.
Alors que le conflit ougandais est en passe d'être résolu (nous reviendrons sur ce conflit en lui-même et sur le processus de paix qui touche à sa fin en 2008), il parait intéressant de se pencher sur la personnalité de Joseph Kony.
Le conflit : Nord contre Sud
carte linguistique de l'Uganda
Le clivage nord/sud en Uganda a été, classiquement, exacerbé par la puissance coloniale brittanique. Les troupes coloniales recrutaient traditionnellement au sein des deux principaux groupes ougandais (Nilotiques au nord, bantous au Sud), pour former les "King's African Rifles"En 1945, les Britanniques décident de s'appuyer sur les Acholis du nord, en réaction au mouvement indépendantiste principalement basé au sud. Elites militaires au nord, Elites civiles au Sud. Les Brittaniques créent de plus un clivage économique en basant l'industrie au Sud, les ethies de Nord étant destinées à être soldats ou main d'oeuvre bon marché...
A l'indépendance, les gouvernements de Milton Obote et du tristement célèbre Idi Amin Dada, perpétuent la tradition de domination militaire du Nord. Les Acholis, partisan d'Obote qui a été renversé par Amin Dada en 1971, sont néanmoins férocement réprimés par ce dernier, qui craint leur influence.
Milton Obote reprend le pouvoir en 1979, après la chute d'Amin Dada. Il est déposé en 1985 par le général Tito Okella, également Acholi, qui tombe en janvier 1986 après la "guerre du Bush" menée par la "National Resistance Army" du sudiste Yoweri Museveni. Dès le mois d'aout 1986, une rebellion centrée autour de l'ethnie Acholi voyait le jour.
Né en 1961 à Odek, d'ethnie Acholi, Joseph Kony commence à se faire connaître en janvier 1987 comme "medium", et prend la tête d'un groupe armé luttant contre le nouveau régime. La LRA tire son origine des "Holy Spirit Mobile Forces", nées en 1987, dirigiées par Alice Lauma "Lakwena", agelement medium. Basé sur "une stricte observance" des commandements chrétiens et de la tradition Acholi, ce mouvement arrive à 100 km de la capitale Kampala avant d'être battu par la NRA de Musevini, utilisant des armes conventionnelles contre les "pierres qui se changeront en bombes" et les amulettes vaudoues de fidèles de Lakwena.
Joseph Kony, un cousin d'Alice Lauma, prend alors la relève. Ses premières offensives utilisent des tactiques similaires à celles de "Lakwena" : huile censée protéger des balles, formations en "croix", processions, et attaques à l'eau bénite. Les commandants de l'ex-UPDA, groupe armé créé par des officiers Acholi en exil au Sud-Soudan , parviennent vite à la convaincre d'utiliser des tactiques plus traditionnelles. La LRA (Lord resistance Army) s'appellait à l'origine "United Holy Salvation Army", puis "United Democratic Christian Army".
On sait peu de chose de son enfance et de ses débuts, dans le village d'Odek. Guérisseur, Joseph Kony s'est soudain proclamé prophète et en communication avec le saint esprit, affirmant , entre autres super-pouvoirs, avoir la faculté de changer les pierres en bombes, sur le modèle de sa cousine. Son oncle Lukoya, qui affirme avoir insufflé l'esprit qui animait sa fille Alice, estime que Kony est possédé par l'esprit du "destructeur", et ne ressent aucune culpabilité. Kony serait la réincarnation de l'esprit d'un ancien ministre Ougandais et de celui d'un... général chinois.
Le succès de Kony s'explique, selon beaucoup d'Ougandais, par son spiritisme. Mi chef militaire, Mi gourou illuminé, ses adeptes le croient sincèrement immortel et à l'épreuve des balles, contre lesquelles il s'enduit de beurre de carité.
La LRA est responsable d'environ 25.000 enlèvements, enfants et femmes. 80% des troupes de la LRA seraient composées d'enfants soldats, les femmes étant destinées à devenir esclaves sexuelles. Entre autres horreurs, les enfants soldats de la LRA ont écrasé des nouveaux-nés dans des mortiers, mutilé (lèvres et oreilles coupées), violé, brûlé, torturé, dans une stratégie de terre brûlé visant à vider les campagnes et à forcer la population à se réfugier dans les camps et dans les villes la nuit, les "night commuters", par peur des raids et des enlèvements. 2 Millions de personnes ont été déplacées par le conflit.
Les enfants recrutés de force sont soumis à un lavage de cerveau en règle, et souvent obligés de tuer leurs proches ou leurs parents pour "s'endurcir". La lecture quotidienne de la bible est obligatoire, et toute remise en question du "message" de kony est atrocement punie. Toute désertion est bien entendue punie de mort.
Un rescapé décrit ainsi son arrivée au camp de la LRA et sa rencontré avec le "Loar" (envoyé du seigneur)
"Un homme aux cheveux longs, à l'air cruel, est sorti de la hutte devant laquelle nous étions assis. Il nous a tout d'abord fixés sans prononcer une parole. Puis il nous a finalement dit : 'Je vous souhaite la bienvenue à tous ; vous n'êtes pas ici par accident, mais par la volonté de Dieu. Vous allez le servir à travers moi et libérer votre pays.' Il a exigé notre entière coopération et nous a conseillé de ne pas chercher à nous échapper du camp. 'Quiconque essaiera de fuir connaîtra le même sort que ces gens', a-t-il dit en nous montrant la porte de l'une des huttes. A l'intérieur, se trouvaient les corps de trois garçons et d'une fille. Ils avaient été décapités. Kony (car c'était bien lui) nous a dit que c'était une juste punition de Dieu pour avoir refusé de le servir." (The East African, 22 aout 2002)
Entretenant apparemment une vision très mormonesque des dix commandements, Kony bénéficie d'un nombre d'épouse situé entre 40 et 60, souvent des filles à peine sortie de l'enfance. Sa communication permanente avec le saint-esprit lui a également inspiré des décisions inédites: supprimer tous les poulets blancs (et leurs propriétaires), trancher les pieds des cyclistes, et interdire de travailler le vendredi. Suite à ses accords avec le régime de Khartoum, il a introduit quelques principes musulmans tels que l'interdiction de manger du porc et le respect du Ramadan. L'interdiction du poulet blanc serait cependant importée de la révolte zouloue de Bambata en 1906, qui tuait également les possesseurs de porcs, de chèvres et de poulets blancs, assimilés aux occupants. Kony a également élaboré une prophétie annonçant un "monde du silence" à venir : un jour, les fusils resteront muets, et ceux capables de se battre avec des pierres et des lances domineront le monde.
Une des rares interviews de Joseph Kony, resté invisible pendant 20 ans.
Deux autres EXCELLENTS reportages sont disponibles ici et ici réalisés par l'agence londonienne "Journeyman Pictures". A voir, impérativement.
Sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour Pénale Internationale, Kony, lâché par le Soudan, tente actuellement de temporiser et a signé un cessez le feu. Il n'est plus préoccupé que par sa sécurité, et nie benoîtement tous les crimes qui lui sont imputés.
Plus sur le règlement du conflit Ougandais et l'avenir de Joseph Kony dans un prochain article.
Difficile de classer le Tibet dans la catégorie des conflits oubliés. Les tentatives courageuses des forces de maintien de l'ordre dans le pays auto-proclamé "des droits de l'homme" pour empêcher le drapeau tibétain de flotter à Paris n'y feront rien, le Tibet est une des "causes" les plus à la mode.
Ce qui attire mon attention aujourd'hui, c'est cette image inédite, reçue à l'instant. Je reproduis ici le mail, sans commentaires.
Londres, le 20 mars
L'agence britannique GCHQ, agence de communication gouvernementale qui surveille la moitié du monde depuis l'espace, a confirmé l'affirmation par le Dalaï Lama que des agents de l'Armée de Libération du Peuple Chinois, déguisés en moines, ont allumé les échauffourées qui ont laissé des centaines de Tibétains morts ou blessés.
Les analystes de l'agence GCHQ croient que la décision était délibérément calculée par les autorités de Pékin pour donner une excuse au pilonnage de toute expression du malaise social latent dans la région, qui attire déjà l'attention mondiale non désirée avant les Jeux Olympiques d'été.
Le complexe de l'agence, en forme d'anneau, près des champs de course de Cheltenham, est dans la région plaisante de Costwolds à l'ouest de l'Angleterre. Sept mille employés, y compris les meilleurs experts et analystes du monde. Parmi eux 150 langues sont représentées. A leur disposition : 10.000 ordinateurs, dont la plupart spécialement conçus pour leur travail.
Les images obtenues par satellite confirment que les Chinois ont utilisé des agents provocateurs pour lancer les émeutes, ce qui donnait à l'ALC l'excuse d'intervenir à Lhassa pour y tuer et blesser toute la semaine passée.
Tout ceci est charmant, mais la question de la provenance de la photo se pose! Comment une telle photo peut-elle être prise par satellite? N'est-ce-pas un peu gros?
Depuis février 2007, la région d’Agadez, au nord du Niger, est le théâtre d’une véritable guérilla de basse intensité, qui oppose l’état central nigérien à une rébellion touareg qui a repris les armes. Un conflit quasiment inconnu en France, mais qui implique pourtant directement le géant français de l’uranium Areva. Sous fond de crise énergétique et de changement climatique, les touaregs mènent un combat unique, où se mêlent éléments de post-colonialisme, histoire millénaire et guérilla dans le désert.
La présence des touaregs sur le sol Africain remonte à plus de 2000 ans. Descendant des berbères, les touaregs investiront le désert du Sahara, dont ils deviendront les maîtres incontestés à partir du XVème siècle. Les convois de caravanes à travers le Sahara prennent rapidement une place centrale dans le commerce africain, et les touaregs sont notamment connus pour le commerce d’esclaves, alors monnaie courante et pilier de l’économie africaine.
Peuple nomade par excellence, les touaregs sont divisés en classes strictement hiérarchisées, allant des nobles jusqu’aux esclaves. La société s’organise en petites confédérations, constituées en moyenne d’une douzaine de tribus et dirigées par un chef suprême (Amenokal) et une assemblée. De majorité musulmane, les touaregs partagent une langue commune, le Tamasheq.
La colonisation allait changer radicalement les choses. La France, qui regroupe ces colonies d’Afrique de l’Ouest sous le sigle d’Afrique Occidental Française (AOF), se heurte à de nombreuses poches de résistance touaregs. Décidés à reprendre les routes commerciales des touaregs, les troupes françaises combattent sans relâche et forcent les tribus à signer plusieurs accords, en 1905 au Mali et 1917 au Niger. Les confédérations touaregs seront pour la plupart démantelées.
Habituée, comme les autres puissances coloniales, à tracer les frontières africaines au couteau, la France divise le territoire touareg entre plusieurs états. Ces derniers se retrouvent éparpillés entre le Niger, le Mali, le Burkina, la Lybie et l’Algérie, de nouvelles nations dominées par des ethnies qui, bien souvent, étaient vendus comme esclaves par les touaregs. Au lendemain de la décolonisation, les touaregs semblent plus faible que jamais, tandis que les nouvelles frontières laissent présager de multiples conflits ethniques à venir.
Après plusieurs décennies de cohabitation au sein de ces nouvelles frontières, marquées par quelques affrontements sporadiques avec les états africains, les touaregs du Niger et du Mali entrent en rébellion ouverte avec leurs gouvernements respectifs en 1990. Bien que basée sur une demande d’autonomie plus forte, la rébellion touareg est particulièrement complexe. Il est souvent expliqué que les autorités nigériennes et maliennes, dominées par des ethnies auparavant victimes des razzias esclavagistes touaregs, seraient habitées par un véritable « esprit de revanche ».
Ainsi, les minorités touaregs seront systématiquement écartées des postes de pouvoir, à quelques exceptions près. Sous-représentés politiquement, les touaregs craignent les ingérences des états africains sur leur territoire, ou les activités minières mettent en danger leurs modes de vie traditionnels, tout en se plaignant du « racisme » à leur égard. A ces problèmes s’ajoute celui de la désertification du Sahel, qui remet un peu plus en cause le caractère nomade des touaregs. La famine sévissant cette année là aurait ainsi joué un rôle central dans le soulèvement de 1990.
Après plusieurs années de conflits, des accords sont finalement conclus entre le Niger, le Mali et les touaregs fin 1995, sous l’égide de la France, ainsi que de l’Algérie et du Burkina, inquiet d’un débordement du conflit à l’intérieur de leurs frontières. Pour l’essentiel, les accords prévoient un intéressement sur la production de l’uranium, une participation économique accrue, des aides pour assurer le rattrapage économique des régions touaregs, tandis qu’en contrepartie, certaines de leurs troupes intègrent les armées régulières nigériennes et maliennes.
Manu Brutin
Retrouvez la suite de cet article, qui portera sur le soulèvement de 2007 et la situation actuelle, dès la semaine prochaine sur le blog.
La Georgie ne sera pas acceptée dans l'OTAN, du moins pas aujourd'hui. Le "Plan d'action pour l'adhésion" n'a pas été accordé à l'Ukraine et à la Géorgie, malgré le soutien des Etats-Unis et de la plupart des pays de l'ex-pacte de Varsovie. La France, l'Allemagne, soutenues par les Pays-Bas, la Belgique, l''Espagne, l'Italie, la Norvège, la Grèce, la Hongrie, le Luxembourg et le Portugal ont finalement refusé la confrontation direct avec la Russie, farouchement opposée à l'adhésion de deux de ses anciens satellites : la question de l'Abkhazie et de l'Ossetie du Sud a pesé très lourd dans la balance.
Le ministre des affaires étrangères allemand, Frank-Walter Steinmeier, a notamment déclaré qu'il ne voyait pas de "raison convaincante d'alourdir le fardeau" dans les relations entre la Russie et l'OTAN. Frustrés, des diplomates américains ont estimé que le veto allemand représentait un "succès de la politique étrangère de Gazprom".
Mauvais timing donc pour Tbilissi, qui voyait dans une adhésion prochaine à l'organisation du Traité de l'Atlantique Nord une garantie pour l'inviolabilité de ses frontières et une impossibilité pour le voisin Russe d'intervenir sur son sol en cas de conflit ouvert contre les séparatistes abkhazes.
Le projet Terre Grises vise à faire connaitre au public ces conflits obscurs qui attirent rarement l'attention des médias. Du Caucase à la jungle birmane, des Grands Lacs à la vallée du Fergana, le monde est traversé de guerres sans nom aux protagonistes difficilement identifiables. Quand Darfour, Tibet, FARC et Kosovo sont au premier plan, que deviennent les Naxalites, les Karens, l'Ossétie et la Casamance? Sans prétention, les auteurs, Thomas Jézéquel et Emmanuel Brutin, anciens étudiants de Sciences-Po Lille et amoureux des relations internationales, vont tenter de vous apporter quelques éclairages sur ces terres grises du XXIème siècle.